L'Alpe d'Huez : station de la Grande Comédie !

Imaginer l'échange entre le directeur de l'Office de Tourisme et Monsieur le Maire à l'origine du Tomorrowland Winter

Nous vous proposons un voyage dans le temps purement imaginaire (quoique...), façon dialogue de film… Après tout, c'est le thème du moment à l’Alpe d’Huez où se tient le Festival du Film de Comédie ! Nous allons ainsi placer l'action à l'Alpe d'Huez, quelque part en 2018, c’est-à-dire un peu avant la première édition du bientôt disparu festival Tomorrowland Winter. Le tout est probablement très anachronique, mais c’est un peu du cinéma, alors…

Ce jour-là, le directeur de l'office de tourisme de la station (pour l'occasion, on l'appellera François) rend visite à Monsieur le Maire (pour l'occasion, on l'appellera Jean-Yves).

− Dis-donc Jean-Yves, il tourne plutôt bien le festival de comédie, non ?

− Tu m'étonnes François, on fait carton plein toutes ces dernières années avec 20 000 festivaliers. C'est un festival populaire et les entrées aux séances de cinéma sont gratuites. Des gens viennent skier justement cette semaine-là pour profiter du festival. Non franchement, rien à redire !

− Oui ok, m'enfin personne n'en parle !

− T'es pas sérieux là François, c'est l'un des festivals les plus connus en France et sa renommée dépasse largement nos frontières, même toi tu le reconnais ! En plus, on contribue au rayonnement culturel de la région et du pays. On a une association locale qui gère super bien et on a l'agence "Tournée Générale" qui a remporté l'appel d'offre et nous coordonne ça à merveille avec une petite équipe très sympa et proche de nous. Non, franchement, c'est le top !

− Oui, enfin les commerçants et la SATA* ils sont pas super contents. Ça skie peu, ça dépense pas vraiment. C'est un peu ambiance Les Bronzés tu vois (rires).

− Ben justement, j'aime bien moi cette ambiance populaire ! Et toi même tu as dit à la presse que ça nous ramenait bien plus que ça ne nous coûtait. On va pas se mentir, on fait jamais une bonne semaine en termes de ski fin janvier. Là, on remplit quasiment la station ! Donc c'est carrément mieux qu'avant. Et puis dis-donc François, t'es directeur de l'office de tourisme, c'est un peu à toi de te bouger pour mettre de l'animation au-delà du seul cinéma et donner le sourire aux commerçants de la station ! Bon, mais va pas faire n’importe quoi non plus, y a des limites à l’indécence, si tu vois ce que j’veux dire…

− Moi, je dis qu'on voit trop petit Jean-Yves, on voit trop petit ! D’ailleurs, j'ai une proposition de dingue à te faire, tu vas pas pouvoir résister !!

− Vas-y, je t'écoute !

− On fait un méga festival de musique électro, un truc géant, un truc de ouf dont on va parler aux 4 coins de la planète. On envoie du gros son pendant toute une semaine dans toute la station, de bas en haut et de haut en bas. On va faire bondir les marmottes ! Ça va devenir Ze festival électro of Ze world.

− T'as pété un plomb là François, faut savoir rester raisonnable ! C'est très bien une station qui sait rester à taille humaine, tu vois, un truc qui a pas la folie des grandeurs...

− Tu sais Jean-Yves, va pas y avoir de la place pour tout le monde dans l'univers du ski, alors soit tu deviens une des plus grandes stations des Alpes, soit tu finis comme un bouseux de Chamrousse ou comme l'autre tocard de basketteur qui va investir à Villard-De-Lans. Mais allo quoi, une station du 21ème siècle à Villard (rires partagés) !

− Bon, admettons que t'aies raison et qu'il faille voir grand. T'as idée du bouzin que tu me proposes ?

− T'inquiète pas l'ami, j'ai pensé à tout. Après tout, tu m'as pas fait venir ici par hasard ! Alors voilà, on se maque avec le groupe événementiel belge qui a pignon sur rue là-bas avec leur festival Tomorrowland. Ils ont tout : le matériel, les artistes, la sécu, une com' de dingue à destination des jeunes... Tout j'te dis ! Tu sais quoi, ils ont même un petit nom rien qu’entre eux : les People of Tomorrow. Véridique, c’est même à ça qu’on les reconnait ! 200 000 personnes en Belgique, t’entends ça : 200 000 !!!

− Et tu les loges où ces teufeurs ? Pas sûr qu'ils apprécient de dormir dans des tentes Quechua sur le bord des pistes...

− Ben tu surfes (ha ha) sur ce projet de grande station pour lancer ce gros programme de construction dont tu rêves tant et qui va laisser sa trace pendant des décennies… sinon plus !

− OK, là tu commences à m'intéresser le François, mais il reste quelques petits problèmes... Des gros concerts auxquels on doit associer la vente de forfaits, on n'est plus dans la gratuité là. C'est pas l'étudiant grenoblois que tu vas attirer…

− Tu sais très bien que je m'en carre (ha ha) de l'étudiant Grenoblois. On lui fait des tarifs pour l'attirer plus tard, mais il nous rapporte rien en vrai. Là, faut voir le public que je vais te ramener mon gars : on parle plus des gonzes qui viennent en Twingo et s'entassent à 6 dans un appartement de 4 personnes comme pendant ton festival de comédie... On parle de teufeurs qui viennent des quatre coins du monde : États-Unis, Canada, Chine, Russie, Qatar et j’en passe... Des jeunes qui prennent l’avion comme toi la motoneige (rires). En plus, même l’organisation affrète des avions spéciaux pour l’événement. T'y crois toi ? J'te dis, ils seraient capables de faire descendre Thomas Pesquet de la station internationale rien que pour une soirée ! Tu vas plus savoir quelle langue parler, mon gars ! Et pour l’ambiance et la dépense, tu vas voir, dans nos bars, ça va être 31 décembre tous les soirs !

− Tu me donnerais presque des frissons tu sais. Mais avec cette folie des grandeurs, tous ces écolos à la con qui veulent nous empêcher de bétonner à mort... pardon, de développer la station, ils vont nous tomber dessus. Et tu la vois l'empreinte carbone de dingue de ton festival ? Alors qu'on est en train de perdre le glacier de Sarenne... ça va coincer.

− Alors là, tu me déçois Jean-Yves. Depuis quand tu t'intéresses à ces conneries toi. C'est pas demain qu'il cessera de neiger sur l'Alpe, ou alors on sera morts depuis longtemps mon gars ! Tu sais que tu vas laisser ta marque sur la station avec un coup comme ça ?!

− C'est bien ce qui me fait peur. Ça pue ce truc. C'est trop de tout : de fric, de décibels, de déchets, de pollution, de bling bling, de m'as-tu-vu... C'est pas l'Alpe d'Huez ça ! Ils ont peut-être raison des fois, ces jeunes… tout ça, c'est comme une entaille au canif dans nos belles montagnes et toutes les espèces qui les habitent.

− Hé, mais faut atterrir vieux ! Il est où le Jean-Yves que j'ai connu ? Ce mec à qui rien ne fait peur et qui fait peur à tout le monde. Ce mec capable de décider pour tout un village ce qui est bon pour lui ?

− T'as raison, j'me ramollis en ce moment... Mais bon, j'veux pas briser le rêve, mais ça va nous coûter bonbon ta petite folie...

− Qu'est-ce que t'en as à faire, c'est pas tes thunes. Tu tapes à tous les rateliers (ha ha) : la région, le département, et le contribuable bien sûr. Vu le fric que tu vas ramener aux commerçants et aux proprios, tu vas voir qu'ils t'auront à la bonne tes administrés. C'est juste du transfert de fonds : tu prends au contribuable pour ramener au secteur privé. Tout le monde fait ça ! Et encore, pour nous c'est pas si vrai parce que la SATA, ça lui remplit bien les poches. Et la SATA, ben c'est nous !

− Bon écoute, donne-moi le temps de réfléchir un peu, parce que là, c'est un peu violent. Et puis peut-être bien que dans une semaine, je te proposerai de les rencontrer ces types de Tomorrowland, histoire de voir ce qu'ils ont à proposer.

− Ben si tu veux, ils sont dans la salle d'à côté ...

Une fantaisie offerte par le collectif Stop Tomorrowland Alpe d’Huez


*SATA : opérateur de la station de l'Alpe d'Huez (mais pas que !). Société détenue en majorité par la commune : voir https://skipass.alpedhuez.com/hiver/qui-sommes-nous/

Sources ayant permis la rédaction de cette fiction :

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